21/02/2014

Objets connectés : de la quantification de soi au trans-humanisme

Author: Brice Le Blévennec

Le rachat de NEST par Google, pour 3Md$ a brusquement fait prendre conscience beaucoup de monde qu’il se passait quelque chose dans l’Internet des objets. Quand on se réveille, une question importante est de savoir quelle heure il est. A mon sens, il est déjà tard, mais tout dépend du point de vue.

J’avais récemment une discussion avec des gens qui ont des responsabilités dans un programme sur ce qui portait encore le nom de domotique il y a peu. Cela fait une demi-décennie qu’ils se penchent sur le sujet et ils me parlaient d’expérimentations et autres choses de ce genre. Une fois qu’ils ont eu fini, je me suis entrepris de leur expliquer que leur centre d’expérimentation devrait déjà avoir disparu, qu’à la place d’expérimentations, et à l’échelle des cinq ans qui viennent de s’écouler, le passage à l’échelle aurait déjà du avoir lieu, que tout cela aurait du avoir accouché d’une offre bien concrète et déjà adoptée sur le marché. Deux jours plus tard, Google faisait un chèque de 3Md$ pour racheter ce que certain pensent être un thermostat. Des ampoules Hue sont en promo à la FNAC d’à côté.
Avec les objets connectés, on n’est plus dans l’expérimentation, on est au niveau industriel, dans l’économie industrielle et digitale pour être précis. On y est d’autant plus quand le cheminement naturel d’un projet d’objet connecté est que l’idée rencontre le marché  sur Kickstarter ou assimilé.

Il y a cependant une frontière à conquérir.

Je me souviens être monté sur une balance Withings lors de Lift Marseille 2010, peu après sa sortie. Cela sera bientôt quatre ans qu’elle fait partie des meubles de la salle de bain, au moment où des bannières qui me vantent les produits de la marque inondent mon surf.
Les objets connectés, ce n’est pas de l’innovation, c’est un sujet déjà très avancé, très mature, une industrie sur la voie de la consolidation, en tous les cas sur un champ d’application qui n’est pas la santé, mais le bien-être.
Withings, comme beaucoup de ses compères, fait bien attention d’utiliser ce terme. Ce que vous portez peut-être comme moi n’est pas encore de la santé. Pour que cela soit, il manque un saut qualitatif en terme de captation et de traitement de données. Même si un Fuelband, un Fitbit ou un Pulse mesurent mes pas, entre autres choses, on voit bien que cela reste perfectible et encore trop dépendant de l’attention que l’on y prête. Ce n’est pas assez fiable pour être aussi sérieux que la Santé l’est. Pour que le Wearable soit, il doit progresser.

C’est là que j’attend les grands acteurs « traditionnels » de l’équipement digital. Et je pense que 2014 sera l’année où ils vont prendre la main.

Quand Olivier Ezratti dit que la montre connectée va tuer le Fuelband et ses avatars, je pense qu’il voit juste. Je ne suis par contre pas certain que le terme de « montre » soit approprié. Disons que le poignet est un bon sujet pour faire de l’océan bleu. Et le sujet, ce n’est pas du bien-être, c’est du trans-humanisme. Non pas de la quantification de soi, mais de l’augmentation de soi.

Evidemment que je pense à Apple, car elle a la capacité à ouvrir un océan bleu sur notre poignet, là où Samsung n’a fait qu’une autre Peeble. J’attend donc une nouvelle génération de wearable qui le soit vraiment, qui ne se contente pas de mesurer, mais qui apprenne de moi, me connaisse et m’améliore in fine. Comme le NEST améliore votre confort domestique avant d’optimiser votre budget énergétique sans que vous ayez à y pensez. Le vrai marché de l’énergie, c’est ça. Le vrai marché des objets connectés qui passent du bien-être à la santé, c’est qu’ils contribuent à ce que vous soyez en forme.

Réfléchissez deux minutes à la réalité concrète de ce que sera ce marché. Son objet ne sera pas de vous vendre un objet. Son objet sera vous-même, en accord avec une philosophie de la médecine chinoise qui veut qu’un bon médecin prévient plutôt que guérit. Ce produit sera remboursé par la sécurité sociale et votre mutuelle sur le principe que vous leur coûterez moins cher. Dans tout cela, l’exploitation massifiée des données de santé des porteurs de cet objet fera passer le dossier médical partagé pour un nouveau minitel. Notre santé ne se résume pas à ce qui sort du cabinet médical, mais d’une mesure continue, sans parler de l’analyse comparée à une échelle mondialisée. Arrivé à ce stade, les conséquences sociales, sociétales et politiques vous dépassent. Moi aussi. Ce dont je suis quasi-sûr par contre, c’est que ça va avoir lieu très bientôt.

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Illustration Kaptain Kobold

Alexis Mons est ESVP Emakina.fr

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