10/01/2005

Dépasser le web 2.0

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

Après les ballons d’essais de l’Internet 2.0, le(s) concept(s) de web 2.0 se sont progressivement installés et développés.
Cette rentrée affirme cette tendance et cette semaine a été marquée par un véritable déluge de points de vues et de multiples tentatives de définition qui n’ont fait qu’épaissir le brouillard.
Hubert Guillaud a opportunément synthétisé les échanges avant-hier, mais j’avais envie de faire rebondir les choses.

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Le débat pour définir le “web 2.0” est à mon avis vain. Je persiste à penser que tout cela n’est essentiellement que du buzz. Pour mesurer la vacuité de certaines arguties, on se posera avec ZnarfInfo la vrai bonne question, “mon cul est-il web 2.0 ?“, ou de savoir ce qu’il faudra répondre quand un client vous demandera comment il doit faire pour consulter le “web 2.0”.
Plus sérieusement, tout cela ne traduit que le renouveau et la confiance (re)trouvée dans le numérique et le réseau. J’ai bien aimé le coup de la “bulle 1.0” de Padawan et on a bien vu les vétérans monter au créneau pour mettre en garde contre les nouvelles vraies vessies et fausses lanternes. L’hiver qui a suivi la bulle 1.0 est fini et on sent bien la sève (financière) remonter. Il est donc logique que les grandes manoeuvres (re)commencent, notamment du côté télécom, mais le printemps vaut pour tout le monde. Le “web 2.0”, c’est le nouveau champ de bataille des courants de pensée en vue de se rendre visible maintenant que le soleil brille. On peut alors enfin se dire d’avoir retrouvé les joies de la prospective et du “je vais te donner l’heure qu’il fera demain plutôt que celle de maintenant”. C’est top !
Comme je l’ai déjà dis dans de précédents billets, il y a pour moi 3 choses dans le “web 2.0” :
– un mouvement technologique,
– des approches économiques nouvelles,
– une prise en compte de l’utilisateur.
Historiquement, c’est plutôt dans l’ordre inverse qu’il faudrait prendre les choses, mais le renouveau du marché a ramené les considérations technos au premier plan. Les marchands de pelles sont de retour. J’étais personnellement satisfait de voir les choses se centrer sur les usages et les utilisateurs. De voir la techno rentrer par la fenêtre, même auto-estampillée “web 2.0”, ne génère en moi aucune excitation particulière.
Il n’y a rien de foncièrement nouveau. Il s’agit d’un ensemble de bonnes pratiques et résolutions sur lesquelles un consensus se réalise. On est face à un mouvement ou un courant qui se colle l’étiquette “web 2.0” pour s’affirmer et qui essaye de faire sa place sur le marché des approches technologiques.
Dans le fonds, il faut bien une identité pour se faire entendre et c’est de bonne guerre. Les préconisations qui sont proposées ne manquent pas de pertinence, mais on en attend de la synthèse créative plutôt qu’un simple catalogue et surtout de l’ouverture et de la neutralité technologique. Padawan fustige les initiatives 2.0 qui ne marchent pas sous tel ou tel navigateur ou système et il a bien raison. C’est le minimum à attendre de lendemains qui chantent. Ainsi NetVibes dont parle Cyril Fievet, est un bel assemblage des technos dont on parle, mais exclue certains navigateurs. Accessoirement, Christophe dira qu’Ajax c’est super mais que ça pose de sérieux problème en terme de web accessible. Où comment à force de parler d’utilisateur on en revient à la techno pour s’y complaire.
Je veux bien croire qu’il est plus facile de disserter d’Ajax que de théoriser sur la Longue Queue, la viralité, les systèmes de confiance ou l’intelligence collective et plus globalement sur la manière de d’innover et d’en tirer profit. Pourtant, à l’heure des 10 bougies de l’e-commerce, il se passe vraiment quelque chose du côté des modèles micro et macro-économiques.
Ce n’est pas vraiment du rêve, plutôt une réalité que l’on essaye de comprendre. Un certain nombre de modèles ont survécus à la bulle 1.0 et la massification des internautes et de leurs usages a suscité des phénomènes autour de la manière de produire, diffuser et échanger de l’information et des produits. Il n’y a pas grand chose à vendre et beaucoup à comprendre. C’est certainement une des raisons pour lesquelles ont s’étripe peu en ce domaine, à une exception près concernant les blogs. Sur ce sujet, on assiste surtout à des constats suscitant une autosatisfaction contagieuse et tout cela concoure à appliquer empiriquement le modèle à tous les sujets usuels avec plus ou moins de discernement. On tombe alors facilement dans le travers de la pensée unique. Avec un peu d’eau dans son vin on arrive pourtant à faire des choses très intéressantes.
Pendant ce temps, on est en train d’oublier une des grandes leçons récentes, à savoir que quasiment toutes les innovations majeures vécues par le net ces dernières années sont issues non pas de l’industrie et des leaders d’opinion du réseau, mais bien des utilisateurs en eux-mêmes. Les blogs et autres réseaux sociaux en sont un archétype. Certes, certains, Google notamment, commencent à tirer profit de ces mécanismes, mais cela reste marginal et incompris et renvoie questionnements sur les modèles d’innovation, d’écosystème et d’économie.
Non, s’il y a quelque chose d’intéressant et qui serait un nouveau quelque chose, c’est la massification des usages et leur maturité.
C’est à ce stade que, dans le cortège de billets sur le “web 2.0”, Celui de Piotrr sur Homo Numéricus m’a semblé des plus pertinents.
Il pointe en effet la contradiction de plus en plus nette entre le développement d’usages individuels qui voient des utilisateurs développer leur représentation et leur identité sur le réseau pour y créer le leur, notamment via les blogs, et celle des systèmes d’informations globaux et désindividualisés, en vogue depuis quelques années, dans lesquels ont attend d’eux qu’ils en soient les moteurs.
L’exemple mis en avant par l’article des ENT et plus généralement des environnements associés à la recherche et l’enseignement supérieur a fait écho à mes expériences personnelles avec une parfaite acuité. Trop d’exemples vécus me viennent en tête pour les développer et je me contenterai de souscrire au propos de Piotrr.
Il est peut-être temps de relire, entre autres choses, les études d’usages sur les intranet et de les placer en vis-à-vis des usages modernes de la génération interactive et autre c-generation. Si l’on veut que des systèmes collectifs basés sur l’implication individuelle fonctionnent durablement, il faut que l’individu y trouve son intérêt et que son identité ne soit pas limitée à une signature de brève.
Mais ces systèmes d’informations découlent d’une certaine vision de politique numérique (quand il y en a une vraie et pas par défaut). J’ai la conviction que c’est d’abord à ce niveau qu’il faut agir, j’en ai déjà parlé de nombreuses fois (notamment ici).
Cette redécouverte de l’impérieuse nécessité du facteur de succès que constitue la réconciliation des interêts individuels et collectifs touche à la rénovation et à l’innovation des modèles managériaux et d’organisation. On touche alors, loin des enjeux technos, à l’essence même du changement : l’intégration de la société de l’information au coeur des organisations et institutions.

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