06/29/2008

Le web n'a pas de conscience, qui en aura pour lui ?

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

Il y aurait beaucoup à dire à la suite de l’excellente tribune que Daniel Kaplan et Hubert Guillaud ont signé sur InternetActu.
À la base, il y a cette idée qu’après la prise de pouvoir des internautes sur l’univers médiatique à l’ère des blogs, les influenceurs, notamment les grands médias, ou les politiques, ont repris la main en s’appropriant les codes de la participation. Il y a du vrai là-dedans, et un concomitant billet de Versac comparant les tactiques participatives de la mission Copé et de HADOPI éclaire assez justement ce phénomène.
À la grande époque du web 2, un certain nombre de théories ont caressé l’idée que le réseau pouvait se doter d’une conscience propre à engendrer une réelle volonté de changement. Aujourd’hui, Daniel et Hubert relèvent avec raison que le réseau n’a pas de volonté collective en ce sens. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de changement. Comme je l’ai écris récemment, le web change le monde, mais ce changement s’inscrit surtout dans le comment, dans des avancées que je qualifierai de productivistes. Oui, le web n’a pas de volonté organisée à faire ceci où cela. C’est un terreau propices aux coopérations et aux mobilisations, un moyen de faire des choses puissantes, pour peu qu’une intention y trouve capacité à y fertiliser.


Je tempérerai cependant l’idée de la “reprise en main”. Le fait est que certains grands médias ou politiques ont su réviser leurs tactiques et trouvé à faire prospérer leur business AVEC sinon GRACE au réseau. Néanmoins, bon nombre de gens n’ont pas encore intégré son existence et en subissent les conséquences.
Les marchés sont des conversations disait Seth Godin et le web social offre en effet de formidables opportunités pour permettre celles-ci. Il y en a quelques uns qui l’ont compris et l’on appliqué, beaucoup qui commencent à comprendre et s’essayent au jeu, font leur apprentissage, un certain nombre qui subissent sans voir.
Je ne pense pas, pour ma part, que les choses soient aussi mécaniques que cela. Beaucoup de belles stratégies finissent en sortie de route et, après tout, les motoristes du web social n’ont pas trouvé très bien eux-même comment en vivre. Pour autant, nous apprenons un peu plus chaque jour. Et si la science suit plus qu’elle ne précède la compréhension de tout cela, l’empirisme alimente le mode d’emploi malgrès tout.
On comprend bien alors le relatif émoi que suscite une phrase comme “Les réseaux sociaux nous offrent de jongler avec ces codes devenus explicites, donc reprogrammables”, car elle indique que le web social encode les interactions sociales, les rendrait presque programmables. Cela induit autant des rêves de puissance que des cauchemars Orwelliens.
Alors ce soir, je repense encore une fois au dernier chapitre de Smart Mobs de Rheinghold, où il dépeignait les promesses et risques de la société de l’information à l’aune de ce que les grands philosophes de la fin du XXe siècle nous ont appris et où il concluait que tout cela pouvait finir en paradis ou en enfer fonction de ce que nous voudrions en faire. Le web n’a pas de conscience, qui en aura pour lui ?

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