26/03/2018

Ne donnez pas tout de suite une tablette à votre “vendeur augmenté”

Author: Arthur Sotto

Le vendeur augmenté est le nouveau concept à la mode. Les exemples et tests se multiplient : demain, un vendeur sera avec sa tablette en rayon ou ne sera pas ! Sans quoi, il n’a absolument aucune chance face au client — cette omnisciente diva armée d’un smartphone —  qui peut à tout moment dégainer pour vérifier l’état des stocks du magasin, que bien sûr vous ignorez. Ou bien commander en ligne le produit désiré chez un concurrent en moins de temps qu’il ne faut pour se rendre en caisse… Le vendeur d’antan ne faisant plus le poids, il était temps d’y remédier ! Ainsi est né le vendeur dit “augmenté”. Pourquoi ? Pour retrouver un peu d’équilibre dans la relation avec le client face à la féroce concurrence des Amazon et consorts. Si les enseignes physiques n’ont finalement pas périclité au profit du e-commerce, contrairement au destin qui leur était prédit, c’est parce qu’elles ont et continuent de réinventer leur modèle afin de séduire les consommateurs. Pour faire plus que de la résistance, redéfinir le vendeur est donc une absolue nécessité. Mais attention, considérer le vendeur augmenté comme simplement un collaborateur avec une tablette serait une erreur. Hélas, comme trop souvent, la réponse technology first à la transformation digitale est au mieux inutile, au pire mortifère. Le vendeur augmenté doit être bien plus que cela.

Bien entendu, qui dit vendeur augmenté dit Sephora, l’application la plus emblématique dudit concept ! Grâce à sa tablette, la conseillère scanne la carte de fidélité d’une cliente et accède à une multitude d’informations comme l’historique d’achat, le scoring client ou encore un argumentaire spécifique de vente. Tout ça pour mieux conseiller et personnaliser la relation. Une tablette permet aussi de vérifier l’état des stocks, de commander en ligne, de configurer un produit avec le client… Il ne s’agit aucunement de nier les possibilités immenses qu’offre cette technologie. Et indéniablement, c’est un plus pour un client désormais exigeant et impatient. Mais l’essentiel n’est pas là. L’irruption du digital dans nos vies a engendré de nouveaux usages et attentes que le consommateur transpose tout naturellement dans le monde physique. Et c’est précisément ici que le vendeur augmenté doit prendre sa pleine mesure. Prenons le cas fréquent où un utilisateur cherche le meilleur deal sur Internet ou encore parcourt le site d’une marque pour ensuite aller acheter sur Amazon. Ce comportement, classique en ligne, a aujourd’hui des répercussions offline : aux Etats-Unis, de plus en plus de clients n’hésitent pas à demander et négocier directement en magasin ! Pour répondre à cet usage, plusieurs retailers américains comme Best Buy, Nordstrom et Bloomingdale autorisent et forment leurs vendeurs à la négociation désormais : réductions, avantages clients, extensions de garantie, gratuité de la livraison et de l’installation… Tout est fait pour vous éviter le showrooming. Ainsi, Best Buy s’aligne automatiquement, et avant achat, si vous avez trouvé moins cher en ligne !

Etre un vendeur augmenté dans un contexte de Commerce Unifié, c’est aussi accepter qu’un client rentre un magasin avec une présélection bien arrêtée de produits, faite en ligne, sur lesquels il attend du conseil. Soit l’inverse d’une approche de vente traditionnelle, où généralement un rapide questionnaire en entonnoir devait aider le vendeur à comprendre le besoin du client pour l’orienter vers le bon produit. Ce qui induit un vrai travail de formation auprès des forces de vente. Autre pratique issue du digital qui peut trouver un écho en magasin : les tutos ! Aujourd’hui, plus personne ne lit l’antique mode d’emploi papier, préférant trouver la solution directement en ligne. Les marques l’ont bien compris et produisent souvent elles-mêmes le contenu. Mais en plus d’exister en ligne, et si ces tutos s’exprimaient aussi en magasin ? C’est ce que fait Apple au sein de ses Apple Stores, où se déroulent nombre de cours et de formations qui sont, pour les plus basiques, animés par les vendeurs. Enfin, paradoxalement, le vendeur peut être augmenté hors magasin ! C’est dans cette optique que Darty a lancé des tests où les vendeurs sont invités à chatter en ligne sur le site e-commerce avec les utilisateurs. Au final, quel meilleur interlocuteur pour répondre à une question sur un produit ?

Augmenter le vendeur n’est donc pas — encore une fois — une question de technologie mais d’abord d’Expérience. Bien sûr, un conseiller peut avoir une tablette en rayon mais ce n’est ni l’alpha ni l’oméga du vendeur augmenté. Un vendeur augmenté, c’est d’abord un vendeur qui adopte une posture, technologie ou pas, pour répondre aux attentes et usages nés du digital. C’est un sujet RH avant d’être un sujet IT. Concevoir un vendeur augmenté, c’est évidemment penser à l’acte d’achat mais c’est aussi réfléchir à l’utilité du vendeur sur l’ensemble du parcours, que ce soit avant, pendant ou après achat, en magasin ou non, bref de penser pleinement Commerce unifié. “En quoi notre vendeur peut améliorer l’Expérience Vécue par notre client devenu totalement omnicanal?”, voilà la principale question… et la technologie n’est certainement pas la réponse, juste un moyen ! Un vendeur augmenté “digital”, oui, technologique, non !

Arthur Sotto

Planneur Stratégique – Emakina FR

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