25/02/2014

Presse : le client veut vivre une expérience

Author: Brice Le Blévennec

Sur fond de crise à Libération, Manuel Diaz, président d’Emakina.FR, ouvre le débat sur les attentes des lecteurs en termes d’expérience d’un texte imprimé ou digital.

 

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« Nous sommes un journal ». Telle est la une, désormais célèbre, de Libération en réponse aux velléités de transformation du journal et de son modèle par ses actionnaires. Enième exemple d’un secteur d’activité qui, comme d’autres, fait face à la déferlante du digital et des business model disruptifs qu’il amène ? Il y a sûrement un peu de ça, mais pas uniquement. N’ayons pas la mémoire courte : s’il y avait un virage digital à prendre, Libé a été l’un des premiers journaux français à le prendre. Non. Il y a sûrement quelque chose d’autre.

Le digital est partout, le digital est plus qu’un canal, il est devenu une culture, un état d’esprit, un mode de vie. La question de son existence, ou du fait d’y aller ou non, ne se pose plus. Ce qui compte c’est ce que l’on y met et, surtout, comment on le fait. Car si un sujet a été étrangement absent du débat entre la rédaction et les actionnaires c’est celui du client. La presse n’est pas une activité caritative et celui qui lira les articles et s’imprègnera de la pensée du journal est bel et bien plus qu’un lecteur. C’est un client qui paie et qui, en retour, attend une certaine expérience, expérience qu’il valorisera à un niveau qui fera qu’il restera client ou bien qu’il ira voir ailleurs.

Le digital est un vecteur de choix pour l’économie de l’expérience, notion clé en terme de culture du service. La valeur d’une chose ne dépend pas du coût de sa réalisation mais de la manière dont le client la valorisera. A la fois, la pire des choses dans une approche purement comptable qui voudrait que l’on paie son journal au nombre de mots, et la meilleure, car une expérience de qualité ne dépendra pas uniquement des moyens disponibles, mais de l’engagement qu’on met dans la relation. Ne nous y trompons pas, un journal c’est plus qu’un contenu à lire, c’est le vecteur d’une relation. Et ce d’autant plus quand, à l’instar de Libé, on vend bien davantage que de l’information : une culture, une approche, une philosophie.

Et en 2014, le client demande une expérience beaucoup plus riche que la lecture d’un texte imprimé ou digital. Plus que la possibilité de participer et commenter qui est aujourd’hui la première des politesses mais n’a plus rien d’exceptionnel.

Je ne sais pas si Libé doit devenir le nouveau Flore, un espace de débat d’idées où les rencontres physiques ajoutent à l’expérience digitale, s’il doit devenir un réseau (et quel type de réseau), s’il doit devenir un incubateur qui lui permettra de réinventer en permanence la manière dont les idées se diffusent et dont le débat enrichit la pensée. Ce dont je suis sûr, en revanche, c’est qu’il ne faut plus penser en termes d’écriture et de lecture mais en termes de relation, d’engagement et d’expériences. Connaissance du lecteur, personnalisation et contextualisation de l’expérience, qualité du produit… il y aura un peu de tout cela.

Libé est bien sûr un journal et il n’est nul besoin de débattre sur ce point. La question qui n’a pas eu de réponse est : qu’est-ce qu’un journal en 2014 sur le plan de l’expérience ?

 

Manuel Diaz

Président d’Emakina.FR

 

Tribune initialement publiée sur L’ADN. Illustration par @stefandevries.

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