11/28/2004

86 ans

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

Je ne m’en cache pas, la Grande Guerre me fascine depuis longtemps et si j’en juge par ce que je vois autour de moi et dans la presse, nous sommes très nombreux. Il est d’ailleurs assez paradoxal de voir cet intérêt croissant et massif des français pour cette guerre et une certaine décrépitude de la commémoration et de certains lieux de mémoire, ce qui n’est pas le cas ailleurs, en Grande-Bretagne notamment.
La Grande Guerre, c’est l’éradiquation d’une civilisation européenne héritée du siècle des lumières et l’entrée dans celle que nous connaissons avec son cortège de brutalités de masse. C’est le creuset de notre société. Alors n’en doutez pas, j’y reviendrai de temps en temps.

Mais revenons à Gentioux. C’est tellement banal un monument aux morts qu’on en oublie ceux qui ne sont pas. Alors, en ce jour et pour ceux qui ne le connaîtraient pas…


Ce monument représente un enfant qui tend le poing vers l’interminable liste et une phrase :
Maudite soit la guerre“.
Il n’a, à ce jour, jamais été inauguré ni n’a reçu les honneurs militaires.

Il est vrai qu’il est un peu “récupéré”, mais il évoque pourtant plus que tout autre le traumatisme de la Grande Guerre, notamment dans les campagnes [19], avec la disparition d’une génération d’hommes.

Pour bien mesurer la “saignée” que cela a représenté, il y a des chiffres. Mais ils ne se conçoivent qu’en ayant bien en tête que ce sacrifice était consenti par la nation, les français de l’époque et plus encore par les poilus eux-mêmes. Il fallait vaincre ou tout au moins ne pas être vaincu. Mais ce n’est évidemment qu’à terme que l’ampleur du cataclysme fut appréhendé. Le garçon de Gentioux, sans doute orphelin, maudit la guerre et ses conséquences.
8 700 000 mobilisés en France, 5 000 000 de combattants dont 1 400 000 seront tués (28% !), 3 000 000 blessés [20] dont 1 000 000 d’invalides majeurs, avec 15 000 “gueules cassées” (voir ce site, mais attention aux âmes sensibles) [21]. Cela ne fait que “seulement” 12% de soldats qui s’en sont sortis indemnes (une chance sur 8 !)
Les paysans ont payé le plus lourd tribu avec 42% des pertes de l’armée française.
Il y avait 700 000 veuves et autant d’orphelins en France en 1920.
Et ce qui est le plus significatif : la France n’a retrouvé son niveau de population de 1914 qu’en … 1950.

Pour ne pas les oublier non plus, 2 millions de combattants allemands sont morts et au total 10 millions d’européens.

Prochain épisode en février.

gallery image