11/19/2008

Eloge de l'incertitude

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

J’écoutais Edgard Morin à la radio ce soir, qui me faisais plaisir en invitant, en ces temps troublés où la tentation du repli sur soi est grande, à “affronter l’incertitude” plutôt qu’à pratiquer la méthode Coué et travestir la réalité pour en revenir à une présentation maîtrisable sinon acceptable des choses. Exemple type avec ce que pense de la crise le patron de General Motors, ou encore l’enterrement prématuré du web 2.
La réalité, c’est que la crise n’est que l’écume des choses qui vient révéler l’immobilisme face à la nécessité de prendre acte que le monde change. Et le fait est que le monde change vite et va changer encore plus vite car, justement, les crises ont cette faculté de faire bouger, de révéler que le train est déjà parti du quai, en fait.


Mais affronter l’incertitude n’est pas qu’une conclusion au présent, c’est aussi une des dure leçon de la partie vraie de la crise. Si celle-ci s’est produite, c’est notamment parce que personne n’a réagit aux signes annonceurs. Pourquoi ? non pas qu’il n’y a eu aucun signe annonceur, simplement que ceux-ci n’étaient pas dans le tableau de bord ou que le signal qui y apparaissait n’était pas identifié.
Le monde change et il s’avère complexe et générateur d’incertitude. Or, les organisations classiques sont ainsi faite qu’elles sont focalisées sur leur process et la performance desdits process. De fait, dès que quelque chose clignote hors des clous, personne ne le voit ou n’y prête attention, puisque ça ne rentre pas dans les cases et que cela ne correspond pas à ce que l’on vous demande de faire : constater qu’un clignotant s’allume, ouvrir un référentiel, lire ce qui est dit qu’il faut faire et l’appliquer. C’est comme cela que certains banquiers se sont réveillés un matin avec un très gros problème que personne n’avait vu puisqu’il n’était pas sensé exister.
Le vrai challenge des organisations modernes n’est pas d’avoir des process optimisés et des employés dociles qui les appliquent. le vrai challenge des organisations modernes est d’avoir des gens qui pensent et qui considèrent avec gravité que, quand on ne comprend pas ce qui se passe, ou que ce n’est pas décrit, c’est qu’il y a un problème, qu’il faut déclencher l’alarme et trouver la solution. Affronter l’incertitude n’est pas une situation de crise, c’est la nature même de ce que les organisations doivent apprendre à faire.
Affronter l’incertitude est le propre des sociétés qui ont fait de l’innovation le conducteur même de leur culture et de leur stratégie. Pourquoi ? parce qu’en se remettant sans cesse en question, elles inscrivent l’incertitude non pas comme un risque, mais comme le terreau même de leur développement. Et puis je ne vais pas faire l’injure d’appeler ici toutes les inventions découlant de l’incident ou du truc qui ne devait pas se passer. C’est trop facile.
Chacun met l’innovation où il veut dans sa stratégie et le fait est que plein d’activités sont dans des contextes où la disruption est réduite. Ce qui ne l’est pas, ce sont deux choses :
Chacun met l’innovation où il veut dans sa stratégie et le fait est que plein d’activités sont dans des contextes où la disruption est réduite. Ce qui ne l’est pas, ce sont deux choses :
1/ Face à l’incertitude, il faut des idées et les idées ne commandent pas. Elles participent d’un environnement propice à leur brassage. Plus il est étendu, plus il mélange les choses, plus il est met les cerveaux qui les génèrent sur le même plan, plus il est riche. C’est une des leçons du web social, une de celles qui se mettent en oeuvre dans la Société de l’Information (pas le concept sociétal, le modèle d’organisation caché derrière l’Enterprise 2.0)
2/ Ce n’est pas tout d’avoir un terreau à idées, il faut être capable de les en extraire et de les transformer. Là encore, ce n’est pas dans des process que ça se passe, mais dans des projets avec ce que cela veut dire de vitalité, de diversité et de culture entreprenariale.
Je simplifie, évidemment, mais l’essentiel me semble là.
Il s’inscrit d’abord dans une vision claire de l’entreprise et de la position qu’elle veut avoir dans son environnement, une vision qui nécessite d’être partagée à tous les niveaux de l’entreprise. À l’heure de la société en réseau, les organisations le sont aussi, qu’elles en aient conscience, qu’elles se donnent ou pas les moyens de le transformer et, pour reformuler Al Gore, le réseau social de l’entreprise ne transforme que s’il a du sens. Encore faut-il lui en donner un….
Il s’inscrit ensuite dans une culture d’entreprise qui rend fertile le terreau des idées et fait que leur transformation est facilitée et accélérée. Quelque chose qui intègre beaucoup de confiance, chose qui manque cruellement dans le contexte français.
Il s’impose enfin par les moyens du digital, non pas simplement parce que c’est plus rapide et moins cher, non pas simplement parce qu’il est seul à autoriser un suivi et une évaluation permanente et globale, mais aussi et surtout parce que le digital propose quelque chose de mature. C’est ce que disais déjà Forrester il y a quelques mois, en annonçant des investissements massifs dans le digitaux, par l’adoption des instruments de l’Enterprise 2.0. À la rigueur, cela ne faisait que faire écho aux courbes du Gartner. Celles-là disent aussi que, d’un point de vue marketing, la caisse à outils à atteint le plateau de la productivité. Mais c’est sûr qu’en pensant le web 2 comme un truc démodé, on risque beaucoup de l’enterrement prématuré du web 2.”>rater l’essentiel du message.
Il n’y a pas de stratégie digitale, il y a de la stratégie tout court qui, si elle admet d’affronter un monde incertain et en flux, trouvera dans le digital tout ce qu’il faut pour se réussir ce challenge et transformer une vision et une culture rénovée. Cela appelle un projet global et je suis heureux d’être les mains dans le cambouis de certains pour venir dire ici qu’il n’y a pas de fatalité. Le monde change, il est incertain, c’est une chance !

gallery image