10/16/2014

La marque, une expérience en 5D

Author: Manuel Diaz

Une entreprise doit être une expérience. L’expérience est devenu un enjeu transverse à décliner dans toutes les fonctions de l’entreprise, physiquement et virtuellement, et dans le temps. L’enjeu ? Une relation client fructueuse ou, au contraire, la rupture et la banalisation de la marque.

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A l’heure du digital, l’objectif d’une marque est de créer des expériences. Satisfaire le client ne suffit plus. Qui pourrait se satisfaire de “simplement” satisfaire le client, comme si un restaurant pouvait se donner comme but ultime de servir des plats “mangeables”. La satisfaction est la première des politesses, tellement évidente qu’elle n’est ni remarquable ni différenciante : elle permet juste de continuer à exister, pas de progresser.

Comme le disait le CEO de Mercedes USA, l’expérience client c’est la marque ! J’ajouterais plus prosaïquement qu’elle est également la marge : qu’est ce qui fait qu’entre deux produits égaux l’un se vende plus et plus cher ? L’expérience.

Ceci dit, la notion d’expérience reste confuse pour la plupart des gens : quelque chose du domaine du ressenti, vaguement qualitatif, ponctuel, insaisissable et, bien sûr, orienté client.

De fait, l’expérience a trois dimensions : client, employé, partenaires. Elle doit être pensée de manière cohérente pour l’ensemble des parties prenantes au sens large et délivrée spécifiquement en fonction de la nature des interactions et de la relation que la marque a avec chaque catégorie. D’ailleurs, on va ici au-delà de la notion de marque. La marque est une question d’identité, de ressenti, de valeurs projetées alors qu’ici, on parle d’entreprise : il y a une notion tangible, concrète et opérationnelle qui dépasse le domaine de la marque et rentre plus profondément dans les “couches basses” de l’organisation.

Il n’y a pas d’expérience client sans expérience employé, qu’on se le dise. Comment imaginer une seule seconde que vos collaborateurs fassent vivre à vos clients une expérience qu’ils ne connaissent pas eux-mêmes, qui ne fasse pas partie de leur quotidien, qu’ils ne reçoivent ni de leur entreprise, ni de leur manager, ni de leurs collègues ? Le facteur limitant de l’expérience client est l’expérience employé. On ne parle pas seulement de qualité de vie au travail mais de tous les contacts et interactions entre le collaborateur et son entreprise. Cela passe par le modèle managérial, les outils de travail, les process métier et RH… et une expérience de vie cohérente avec celle qu’on veut proposer au client. L’exemple de Mercedes Benz USA est dans ce sens en phase avec une étude Forrester de 2013 sur le “workforce engagement ecosystem”. Cette dernière montrait que tant la productivité que l’expérience client dépendait des outils, des modes de travail, et de l’expérience vécue au travail.

Nous basculons dans une économie en écosystème où les partenaires auront un rôle d’une importance sans précédent. La relation avec les partenaires est peut être une des plus compliquées à gérer pour l’entreprise : parfois partenaires, d’autre fois concurrents, besoin d’investir du temps et de l’attention avant d’aboutir, nécessité d’un climat de confiance qui dure. Là aussi, ne nous attendons pas à ce que nos partenaires nous suivent dans une logique d’expérience unique et différenciante si nous les traitons comme une variable négligeable ou un mal nécessaire et si nous ne leurs faisons pas sentir, connaître, vivre, ce que nous voulons qu’ils renvoient à nos propres collaborateurs et à nos clients. Selon une étude IBM justement nommée “Le client directeur général”, parue en début d’année, 73% des dirigeants pensent que leur réseau de partenaires va s’accroitre dans les cinq prochaines années (contre 11% qui pensent le contraire) et ils mettent cela au premier rang des évolutions que le paysage de l’entreprise va connaître sur la même période, devant l’expérience digitale et la focalisation sur le client en tant qu’individu. Un tel accroissement représente un risque réel en tant que dilution de l’expérience de marque si rien n’est entrepris au niveau de l’expérience partenaire.

Vient ensuite l’expérience client, celle qui est la plus discutée, commentée, théorisée mais qui n’est que l’aboutissement des deux précédentes. Elle n’est pas (que) liée au produit mais à l’ensemble des interactions entre la marque et le client. L’expérience, c’est tout ce qui se passe au-delà de la simple satisfaction procurée par le produit ou le service. Avant, après, en plus.

L’expérience se pense donc conjointement en trois dimensions. En fait non ! Elle se pense en cinq dimensions, les deux autres étant transverses aux premières, leur donnant de la profondeur et de la consistance.

La première est le temps. La relation est partie intégrante de l’expérience, se construit et se vit dans le temps. Il faut penser au client, au partenaire, au collaborateur non pas uniquement au moment de la transaction, mais durant l’ensemble du cycle de vie de leur rapport avec l’entreprise : avant de se connaître, à la première rencontre, au moment de la formation de la relation, de l’exécution du contrat tacite ou explicite qui nous lie, voire après que la relation soit arrivée à son terme. Toutes les études convergent pour dire que la probabilité de vendre à un client existant est de l’ordre de 70% contre moins de 20% pour un client nouveau. Le “repeat-business” ne se satisfait pas de rendez-vous épisodiques, il demande une histoire partagée dans le temps.

La seconde est la dimension physique et virtuelle. Il semble qu’on ait redécouvert la notion d’expérience avec le digital et qu’on la cantonne à ce domaine. C’est une erreur gravissime. C’est justement l’incohérence entre le digital et le “réel” qui tue le retail, fait partir les clients, désengage les collaborateurs et crée des relations tendues avec les partenaires. L’expérience doit être déclinée sur tous les canaux et tous les points et moments de contact quels que soient leur forme. Elle est garante de la cohérence de la marque et de celle des initiatives de transformation digitale. Aux Etats-Unis, Starbucks utilise le canal digital mobile pour faire du marketing de précision sur ses clients présents en magasins et aux alentours en fonction de leurs données et historiques de consommation, et de nombreux aéroports de par le monde utilisent le mobile pour améliorer l’expérience du passager sur site. Digital et physique ont vocation non seulement à se compléter, mais également à s’entremêler.

Une entreprise doit être une expérience. L’expérience est devenu un enjeu transverse et global à décliner dans toutes les fonctions de l’entreprise, physiquement et virtuellement, et dans le temps. L’enjeu ? Une relation client fructueuse ou, au contraire, la rupture, la banalisation et la disparition de la marque.

Tribune de Manuel Diaz, initialement publiée sur emarketing.fr le 14 octobre 2014.

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