02/14/2008

Qu'est-ce qui est vraiment nouveau ?

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

Et si on prenait un peu des vessies pour des lanternes dans le petit monde magique du web moderne ?Mardi, en aparté d’un atelier très enrichissant du programme identités actives de la FING, s’est développé une intéressante discussion autour du web 2. Plusieurs participants ont réagit assez vivement face à des exemples de pratiques numériques sociales présentées comme des ruptures sociales fortes. Cela caractérise très bien combien le web 2 n’est plus qu’une étiquette, que la recherche de la valeur dans tout cela est prégnante, qu’il ne suffit plus de sortir la caisse à outils primaire du web participatif pour changer de monde. Aussi, j’ai trouvé très pertinent, au point où nous en sommes, un petit moment réflexif sur le thème du “mais qu’est-ce qui est vraiment nouveau ?”.


Si l’on songe aux blogs et sans en revenir aux agoras antiques, on peut faire référence à l’art de la correspondance et remettre le nez dans la manière dont fonctionnaient la communauté scientifique d’avant les revues est éclairant de beaucoup de choses. Et puis il y a eu les fanzines. À bien les avoir pratiqués il y a un certain temps déjà, il est vrai que l’interaction y était bien présente. Quand à ce qui se passe dans les discussions, Daniel Kaplan a parlé de l’art de la rhétorique et c’est vrai que dans la manière dont elle vit parfois dans les blogs, il y aurait des choses à dire.
Cela dit, la discussion portait surtout sur les postures et les tactiques associées à l’identité numérique. Le plus troublant n’est pas de faire le lien entre World of Wordlcraft et donjons et dragons, plutôt de voir comment les avatars des univers persistant et la manière dont cela s’y passe peut être mis en relation avec ce que faisaient certaines sociétés primitives avec des masques par exemple.
Il est d’une certaine façon rassurant qu’une bonne partie de ce qui se passe sur le web ne soit qu’une relecture de comportements parfois très anciens, mais il y a quand même de la nouveauté.
À un moment donné, la discussion s’est portée sur l’interaction, en mettant en perspective l’époque où les domaines culturels étaient régis par des arts codifiés et des créateurs patentés, alors qu’aujourd’hui nous sommes tous contributeurs. De là l’idée d’une certaine instabilité des frontières ou de la définition des choses et de la difficulté donc à les définirs. C’est vrai que les définitions sont très mobiles et qu’on baigne dans les mots-valises, ces notions à contours flous qui servent surtout de terreaux. En même temps, j’ai envie de dire que les spectateurs d’antant votaient avec leurs pieds et que même si ce n’est pas des tags, cela comptait aussi. Là encore, les choses vont peut-être tout simplement plus vite.
Alors que reste-t’il ? J’aime bien l’idée qu’il y a de l’ubiquité. Le multitâche, c’est notamment la capacité à être dans une réunion et en même temps dans un salon de discussion virtuel pendant que votre skaaz gère à votre place les affaires courantes sur votre blog. Nous sommes démultipliés en vrai et une facette de nous même entretien notre présence aux yeux de nos “amis” dans tous les endroits que nous avons investis. Alors certes, on savait aussi gérer une présence dans les salons à la mode via ses idées, ses bons mots, le poids de sa notoriété, on n’en avait pas pour autant la capacité à être en plusieurs endroits en même temps à ce point.
Et puis il y a les traces. Pour moi, c’est ça qui est vraiment nouveau. Aujourd’hui, j’ai ferraillé sur le thème du haut débit à cause d’un billet et surtout d’un commentaire que j’avais fait il y a 3 ans. Il était en lien. Mais il n’y a pas que ça. Les traces, c’est aussi les tags, les notes et toutes sortes de choses qui se consolident. Ce sont ces avis et commentaires que les consommateurs expriment en ligne et qui interpellent aujourd’hui fortement les marques. C’est aussi Wikipedia. Plus loin encore, il y a aussi les indicateurs que les interactions génèrent et qui nous permettent en quasi temps réél de mesurer l’impact et de décider. Et puis il y a surtout pour moi ce que cela induit dans les organisations.
Lors du séminaire sur l’intelligence collective où je suis intervenu semaine dernière, plusieurs documentalistes ont souligné qu’il leur semblait vain de consommer un temps et des moyens considérables à construire thésaurus et autres ontologies, là où la société des utilisateurs produit en deux temps trois mouvements des folksonomies qui ont l’avantage d’être comprises, appliquées, phasées avec l’usage et le métier.
La nouveauté, elle ne porte pas sur l’identité ou les tactiques relationnelles. Ce ne sont que des transpositions de choses qui existaient ou se sont pratiquées. Ce n’est pas non plus la démocratisation à produire du contenu, ni même les interactions. La nouveauté, c’est ce que tout cela produit.
C’est bien pour cela nous sommes fasciné par la production de valeur qu’elle suscite et que tous ceux qui en prennent conscience veulent la stimuler et la domestiquer. Nous commençons tout juste à en comprendre les mécanismes, mais ce que j’en pense c’est que nous allons avec ça franchir un sacré palier.

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