03/19/2007

Valeurs ou asservissements des foules inteligentes ?

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

J’ai eu l’occasion de souligner la tendance à plus de contrôle vs l’autorégulation jusqu’à présent à l’oeuvre, mais derrière ces effets de balancier entre démocratie participatif libéré et créatif et république expertise savante et régulatrice, se cachent d’autres débats de fonds, ceux qui pointent une société hyper-individualisée où le narcissisme des blogs n’a d’égal que l’aliénation à la dictature des communautés, quand il ne s’agit pas d’esclavage, ou encore de miroir aux allouettes, de bruit. Cela m’évoque aussi les discussions enflammées autour du Pronetariat. Ce rapport de force est vieux comme le monde, mais l’avènement de la Société de l’Information lui a redonné une certaine vigueur et l’attente d’un équilibre qu’illustre bien celui que cherchent actuellement les médias, entre réflexe défensif et tatonnements.
Je ne méprise pas ces discussions, ni ne rejette à priori ces idées, les phénomènes défensifs ici proposés sont révélateurs des tensions du changement à l’oeuvre. Il faut être tolérant et humble avec ce qui se passe, les forces qui sont à l’oeuvre nous dépassent. En bien où en mal, n’oublions pas que l’internet reste un terreau fertile. Mais le caractère bon ou mauvais des herbes dépend du contexte où elles poussent.


Il est d’abord paradoxal d’invoquer l’idéal social de l’internet originel comme voie de sortie à l’indigence de ce qu’il produirait aujourd’hui. Tout cela ne sert qu’à confronter une prétendue faillite de l’intelligence collective versus celle des experts. À titre personnel, je renvoie l’une et l’autre dos-à-dos. Tout est affaire d’équilibre et dans le monde complexe dans lequel nous sommes l’une et l’autre ont tout à gagner à concourir. Quand à pointer l’individualisme, le web n’est-il pas, au-delà des formes, un nouveau champ de coopération, de biens communs et de solidarités ? il me semble en avoir débattu ici il y a déjà 3 ans.
Encore faut-il comparer ce qui est comparable et arrêter de penser le web comme un tout, de la même façon qu’on pense en blogosphère alors qu’il y en a des tas. Le web est plein d’espaces hypercréatif et sans sombrer dans le lieu-commun Wikipedia, il y a pléthores de réseaux, sphères et terreaux où l’intelligence collective s’exprime et produit. Alors évidemment, on se prend YouTube dans la tronche, comme symbole du déluge de rien. Certes, mais d’abord, comme le dit Jeff How en parlant du crowdsourcing, “la foule produit principalement de la merde [mais] la foule trouve les meilleures idées”. Ensuite, ce qui se passe sur ce type de communautés, ce n’est pas la quête de la perfection intellectuelle, c’est celle de l’interaction sociale, des nouvelles proximités numériques. Le buzz est un excellent carburant pour les conversations de tout un chacun et l’entretien voire la quête de notoriété, compétition qui n’est pas sans susciter elle aussi des rapports de force avec ceux qui en tirent profits sonnants et trébuchants. Bref, ne cherchons pas de l’excellence dans les contenus là où l’enjeu porte sur l’échange et le maillage des individus.
Pour le reste, il n’y a aucune nouveauté à constater un certain risque d’aliénation pour l’individu face au flot continu d’informations qui se présente à lui. On peut simplement regretter la faiblesse de la réponse éducative en ce domaine et c’est sans doute ce vide qui nourrit toutes les considérations à la base de ce billet.

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